Entre Les Lignes
C’est le titre qu’a choisi Bénédicte de Moulins pour cette exposition où elle exprime un espace intérieur… secret et « subliminal ». Elle parle d’espaces-charnières, d’instants-clés, de mémoires (incarnées) révélées, où le geste créateur est l’expression de forces impulsives. …(violence ? rage ? amour extrême ? don suprême au monde ? …) .
On invoquerait bien Bachelard dans cette communion organique avec les éléments … et cette priorité laissée à l’instinct, l’être abyssal, au naturel, à l’éphémère, à l’insaisissable. Une sorte de relation empathique de l’homme à la nature.
Certaines installations de B. de Moulins épousent l’espace environnemental , dans « A l’ombre des arbres… des ombres… » , sa façon d’être à ses encres est rythmée aux mouvements naturels . Dualité du flux et reflux, mouvements lents du fleuve, du temps , des mots et de sa propre respiration dans l’acte créateur. Respiration vitale, (verticalité de l’inspire et retombée de l’expire), émotion extrême accélérant les pulsations cardiaques et lien direct au trajet du sang. Ces reflets, ombres et paysages éphémères dont elle fixe l’image, analyse les effets, elle les enregistre pour mieux les retenir « peindre l’instant…suspendre le temps » , s’en abreuve comme un enfant qui les découvrirait pour la première fois.
Ses « lignes » sont le réceptacle de ses « paysages d’âme », tout comme l ‘écrivain a recours à l’ écriture, (moment jubilatoire d’expression ) tout en laissant des non-dits dans les « inter-lignes ».
La « dé-marche » comporte encore une dualité… entre le corps et le mouvement du corps. Une mise en « marche » d’un état d’âme et d’un état d’être qui passe par le courant du corps. Élan impulsif, agressif parfois , arraché , déchiré , immergé de l’alchimie de la fusion de l’encre et de l’eau générant des volutes, des formes torturées, et toute sortes de filaments étranges. Élan qui s’imprime dans le geste de son bras en action.
Paradoxe aussi, que cette force intérieure que sous-tend, dans cet « Entre Les Lignes », une extrême fragilité . Finalement, ne pourrait-on pas reconnaître dans la « vision-peinte » de Bénédicte de Moulins, toute l’ambiguïté de l’enfance, où se mêlent inextricablement … une insolente énergie, toute une générosité affective , avec des regrets d’insouciance … et d’innocence .?
Propos recueillis par Sim